"Faire le deuil"

Aujourd'hui, c'est à la mode, on dit "faire son deuil" pour tout et n'importe quoi… 

"On fait son deuil", c'est à dire qu'on enterre proprement dans une petite boite mémorielle, souhaitée hermétique, toutes les relations impossibles ou finies, les gens qui ne nous aiment plus ou mal, les événements sur lesquels on n'a pas ou plus ou trop peu de pouvoir, les choses qui blessent, qui font peur, qui écorchent, les rêves impossibles à atteindre ou déçus…

En théorie, c'est bien. 

Oui, il faut apprendre à tourner des pages, voire à les déchirer, savoir ne pas garder au coeur la pointe enracinée du regret et de la nostalgie qui empoisonnerait le quotidien et empêcherait de profiter du présent, le seul don complet qui nous sera jamais fait sur cette terre.

Soit.

D'accord.

Evidemment. 



Mais la réalité, c'est que le mot "deuil" ne devrait et ne peut s'appliquer que pour les morts, quand il n'y aura plus de changement possible, plus d'espoir d'aucune sorte. 
Vraiment. 
Quand tous les cris, les regrets, les remords, les envies, ne se heurteront plus qu'aux murs de silence et d'absence.

Car tant que les gens existent, 
même s'il est nié et refoulé, haut crié, piétiné, 
un infime espoir toujours quelque part subsiste 
et cet espoir est un poison, une flaque de doute et d'amertume qui menace périodiquement le reste.

Alors, oui, il y a des jours où je crois fermement que "faire le deuil" est à ma portée, que j'y suis arrivée. Haut les coeurs et chaud devant !

Et d'autres, comme aujourd'hui, où la seule phrase qui me trotte dans la tête est "je n'y arriverai pas".

Voilà où je voudrais te mettre… 
Dans une boite hermétique et physique
A l'abri des possibles.

Je voudrais que tu fus mort.