Le jour du grand départ...

Extrait de mon journal de bord, daté du 16 novembre 2007...

Le grand départ n'est pas celui qu'on imagine.
La dernière journée n'est pas celle qu'on croit.

Le 15 novembre,
Je me suis levée comme d'habitude, et j'ai regardé longtemps par la fenêtre ce morceau de jardin que j'aimais si fort avec son peuplier indéracinable qui caresse le ciel.
J'ai été étonnée qu'il fasse soleil. Il y a des jours si terribles qu'il ne peut que faire froid, nuit, tempête. Là, on se serait presque cru au printemps, le temps de la douceur, de l'amour, de la paix, de l'harmonie... du renouveau peut-être aussi.
Avec méthode et lenteur, j'ai arrosé toutes les plantes de la maison, sans faire couler de l'eau à côté comme quand je suis pressée. Je me suis dit: "Ce n'est pas parce que je pars que mes plantes doivent mourir".
Puis, je me suis assise à mon bureau et j'ai consulté ma messagerie, tranquillement, en buvant mon café.
Des centaines de choses que j'avais à empaqueter, j'ai commencé par mes sous-vêtements, comme s'il y avait là l'essence de moi même, comme si ces petits morceaux de tissu que personne ne voit étaient essentiels. Mais là réside la vérité car c'est bien ce qu'on ne voit pas, ce qu'on ne dit pas, ce qu'on n'entend pas qui est essentiel...
Enfin, j'ai sorti des feuilles et je lui ai écrit d'un trait, sans réfléchir. Quand j'ai eu terminé, je me suis sentie apaisée. J'avais cette petite phrase d'Antigone dans la tête : "Voilà, c'est fini pour Hémon, Antigone."
Mais, au volant de ma voiture, sachant qu'elle contenait désormais toutes mes possessions, un terrible sentiment d'ivresse, de liberté m'a envahi.

Le 16 novembre,
Je ne me suis pas levée comme d'habitude. Et rien de ce que je ferai désormais, pendant très longtemps, ne ressemblera de près ou de loin à l'habitude.

Oui, "sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles"...