Voici la première prise de parole du narrateur hétérodiégétique (Genette, quand tu nous tiens!) du roman débuté avec Georges ce mois d'aôut. Roman qui n'a pas encore de titre et dont je ne dévoilerai pas le thème. A vous de deviner peut-être... En tous cas, n'hésitez pas à me donner vos impressions sur ce petit bout de page...
" Clarisse regardait la réponse de l'université posée devant elle. Une réponse administrative, laconique. Elle en rougit presque en pensant à la fougue qu'elle avait laissée transparaître dans sa demande. Quelle cinquantenaire désabusée avait eu son courrier entre les mains ? Une de celle qui ressemblait peut-être à la Clarisse qu'elle deviendrait dans 20 ans, une Clarisse sans rêve, sans ambitions, une Clarisse installée, moulée... enterrée. Le sentiment d'absurde qu'elle connaissait bien commença à l'envahir. Elle avait 30 ans, elle vivait seule, elle avait peu d'amis, peu de projets. Elle continuait d'osciller dans les mêmes méandres familiaux depuis une bonne décennie maintenant. La seule riposte qu'elle avait trouvée demeurait ce protectionnisme affectif, cette frilosité relationnelle, ce repliement individuel qui l'empêchait de trop souffrir, qui l'empêchait de vivre... Elle se conservait précautionneusement dans un formol du sentiment dont la seule évasion restait l'échappée livresque. Là, tout devenait possible, tout était à sa mesure, il n'y avait plus de limites. Dans les livres, les filles resolvent les problèmes avec leurs mères, se confrontent à leurs pères, trouvent l'amour qui les répare, vivent de la passion qui les nourrit. Dans les livres, les gens étaient heureux, ou du moins, quand ils ne l'étaient pas, trouvaient les clefs de leur non bonheur et décidaient ensuite de l'assumer ou pas. Et dans les livres, surtout, les bonnes clefs trouvaient les bonnes serrures ! Parce qu'il y avait un narrateur qui était là pour diriger les événements, pour veiller au grain ! Or, sa vie à elle manquait cruellement de narrateur...
Elle regarda la collection de cahiers numérotés qui étaient méticuleusement entassés sur une étagère de son bureau. Elle avait coutume de dire que toute sa vie était là et que si le feu se déclarait un jour chez elle, c'était ce rayonnage absolument qu'il faudrait sauver. Ce n'étaient pourtant pas des journaux intimes, pas des écrits personnels. Non, Clarisse ne s'était jamais fait assez confiance ni n'avait eu son talent en assez haute estime pour ainsi mettre en avant sa plume personnelle. Ce qu'elle compilait ainsi avec tant de passion et d'ardeur, c'étaient des légendes, des textes anciens, des théories sur l'origine. Elle pensait, à tort, que ce qui les rendait si précieux, était le temps qu'elle y avait consacré. Mais c'était bien plus que cela. Sans s'en rendre compte, sans doute, il y avait là une façon d'organiser le chaos de son existence, de donner un sens à ce qui n'en avait pas : sa propre histoire. tenter de recomposer le cheminement de la pensée humaine, c'était justifier sa présence en ce monde ; retrouver les fils de l'aspiration en un monde meilleur, c'était inscrire sa propre nostalgie dans un ensemble humain plus vaste et plus cohérent, donc potentiellement déchiffrable. C'était un travail de chercheur de clef. "
5 commentaires:
Frustrant de ne lire que cela....J'attends la suite!!!!!!!!On en veut d'autre! Miam miam miam...
PS: Je te tiens au courant dès le début de cette semaine pour nos petites affaires! (débordée!)
Mais pour lire la suite, ma chère, il faudra acheter le livre qui paraîtra en avant première aux éditions Marquetapage d'ici quelques mois...
Ne t'inquiète pas, moi aussi, je suis débordée. Je suis même en train d'écrire à l'Académie Française pour faire supprimer certains mots du dictionnaire comme '"ennui'" ou "désoeuvré"...
Bisous.
Bonjour Irulaane. Quelles sont les lectures de l'héroïne? On voit bien que ce qu'elle lit c'est forcément des romans de gare pour que les choses soient ainsi dans les livres. Et puis on se dit, non, ce n'est pas possible. C'est autre chose. Et finalement on a la réponse juste qui vient démentir tout ce qui est dit précédemment. Sa vie manque de narrateur. C'est le fait d'avoir une vie pas racontable.
L'impression, c'est un roman à clef, à légende, un roman de chose racontable pour Clarisse. Un remède contre l'ennui qui est absence d'oeuvre.
merci pour ces quelques impressions. L'absence de narrateur dans ma vie est ce que j'ai souvent ressentie : le narrateur est celui qui sait, celui qui fait des liens. Celui qui sait comment se termine l'histoire aussi... C'est Dieu dans un livre !
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