Irulaane ou la face artistique de Lauriane Renaud...

Irulaane ou la face artistique de Lauriane Renaud...
Toujours un peu perchée...

mercredi 29 août 2012

Instants de lucidité...


Je marche dans la ville, sûre de moi.

C’est un jour de soleil et d’été. Un de ces jours de bonheur simple et léger qu’autrefois j’ai tant recherchés.

Juchée sur mes hauts talons, les rouge à lèvres éclatant, les bras chargés de courses inutiles, la tête pleine de désirs, le corps vibrant : la sensation que le monde aujourd’hui m’appartient, que rien ni personne ne peut me résister, m’amoindrir, me faire obstacle.

Sans doute, au fond, sais-je que c’est vain, illusoire, destiné à passer. Mais le nez au vent et le dos bien droit, en cette minute rare, je ne me pose aucune question.
Pour un sourire dans la rue, pour un compliment de cette femme dans la cabine d’essayage, pour des mots de désir susurrés au cœur de la nuit, je suis invincible, scandaleusement heureuse.

Et puis, je l’aperçois.

A quelques mètres devant moi, il y a cet homme insignifiant que je n’ai pas vu depuis des années, auquel je ne pense jamais, si ce n’est au détour de quelque anecdote cocasse. Un extra-terrestre. Petit, mal fagoté, toujours aussi souffreteux et malingre. Je me souviens subitement des années où il a souffert au collège, chahuté par des hordes d’adolescents cruels, jusqu’à réussir à se faire virer de la grande famille des profs. Je ne l’ai jamais vu que rasant les murs, un air de martyr collé sur son visage émacié. Une aberration d’être ainsi au monde pour le subir.

Il est arrêté au beau milieu du trottoir. Il regarde un homme qui joue de l’accordéon. Les piétons passent, rapides, affairés, certains le bousculent. Mais lui, il ne bouge pas. Que fait-il ? En fait, il s’échine à extirper des pièces de son portefeuille pour les mettre dans la casquette de l’homme à l’accordéon.

Soudain, je me sens pauvre et creuse. 
A gifler d’égoïsme et de superficialité. 

C’est lui, l’humain, le véritable. Moi je ne suis qu’une coquille vide qui résonne et qui s’auto-satisfait de sa musique hasardeuse. 
Mes talons me paraissent tout à coup trop haut, ma jupe trop courte, mes sacs encombrants. 
Je frissonne. Je voudrais m’arrêter et lui parler. Mais il n’y a rien à dire. Il a tout compris et moi, rien. Rien.

Je le dépasse en baissant la tête, honteuse.

Et quoi ? J’ai fait le choix du bonheur, moi !


2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est un très beau texte et j'ai eu parfois ce genre de sentiments...
J'espère qu' on aura l'occasion d'en discuter ...
G.

Pierre a dit…

Oui, c'est pas mal, c'est la petite madeleine de Proust. Le temps pas si perdu que ça qui fait son œuvre. Avec je le souhaite bientôt, les énergies bloquées par la dissension enfin libérées (je ne parle pas seulement pour toi), avec le courage de la vérité ici démontré (là, je le dis pour toi). Encore bravo.