Irulaane ou la face artistique de Lauriane Renaud...

Irulaane ou la face artistique de Lauriane Renaud...
Toujours un peu perchée...

vendredi 28 septembre 2007

Prose (ou pause) poétique...


Il semble que cette forme, auparavant jamais exploité par "l'être que j'appelle moi" (je rends à Marguerite ce qui appartient à Yourcenar pour l'emprunt de cette formule que j'adore), de la nouvelle poétique m'inspire assez ces derniers temps. Ne pas oublier que le mot n'est pas juste un signifié mais aussi un signifiant. Peut-être le symbole de cette métamorphose qui s'est opérée en moi lorsque mon corps (mon signifiant) est revenu taper au carreau de mon âme pour lui rappeler qu'il était aussi important qu'elle. Très Rabelaisien, tout ça...


Alors voilà un autre de ces petites unités qui s'écoutent autant qu'elles se lisent je crois.


POMPES MATERNELLES


Il tient dans ses grandes mains calleuses un bouquet de glaïeuls

De mémoire de Chupot, fleurs préférées de la famille

De mère en fille,

De petite fille en aïeul.


Il tient dans ses grandes mains tremblantes un morceau de son histoire

Ce drame familial si complexe

De trahison, d'abandon et de sexe

Gravé dans les mémoires.


Il tient sur le bout de sa langue, pâteuse et hésitante

Ce qu'il a enfin décidé de dire

Absolument sans faiblir

Jusqu'à épuisement de la plaie sanglante.


Il pose les fleurs devant elle,

Les paupières baissés sur ses prunelles,

Devant son silence glacé

Cette morgue dont jamais il n'a trouvé la clef.


Et il se lance, sans crier gare, sans garde fou,

Au garde à vous et les yeux fous.


Plus rien à perdre!

Merdre!

Tu m'as déchiré, piétiné, oublié,

Tu ne m'as pas aimé

Tu ne m'as pas donné

Tu m'as pris, tu m'as volé

Tu m'as fait croire

Tu m'as fait boire

Tu m'as bercé au nonchaloir

Tu as assassiné mes espoirs

Tu m'as fait poussé tordu

Tu m'as rendu bossu.


Tu m'as communiqué

Ton coeur glacé

Pour qu'à mon tour, je ne sache pas aimer.

Tu ne m'as pas parlé

Tu ne m'as pas écouté

Tant d'autres tu m'as préférés.


Quand j'en ai eu besoin

Tu étais toujours loin.

Quand j'ai eu faim

Tu as fermé les mains.

Quand je frappais à ta porte

Tu étais ivre morte.


J'en ai eu si souvent marre

Qu'il soit trop tard.

J'en ai eu si souvent assez

De ta culpabilité décalée.

J'ai pleuré sur trop de lettres

Qui semblaient m'ouvrir une fenêtre.


J'ai détesté ta constante ironie

Sur les ondulations de ma vie

Ta condescendance ravie

Se posant sur les affres de ma survie

Ton ricanement blasé

Entaillant mes souffrances avouées.


Je t'ai haïe.


Il tient dans ses grandes mains tremblantes un bouquet de glaïeuls

De mémoire de Chupot, fleurs préférées de la famille

De mère en fille,

Mais le fils, lui, est seul.


Il tient dans ses grandes mains tremblantes un morceau de son histoire

Ce drame familiale si complexe

De trahison, d'abandon et de sexe

Il voudrait en laver sa mémoire.


Il tient sur le bout de sa langue, pâteuse et hésitante

Ce qu'il a enfin décidé de dire

Absolument sans faiblir

Pour demander pardon à l'agonisante.


Il pose les fleurs devant elle,

Les paupières baisséess sur ses prunelles,

Devant son silence glacé

Cette mort qui sera peut-être la clef.


Et il se lance, sans crier gare, sans garde fou,

Au garde à vous et les yeux fous.

Il débranche les appareils,

Et lui glisse à l'oreille,

Juste avant son dernier sommeil:

Je te rends la pareille !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour votre texte qui m'a beaucoup touchée. Des echos poignants pour moi. Très belle chute. A bientôt de vous lire.
Amélie

Irulaane a dit…

Merci Amélie pour cette remarque où vous vous livrez.
Un texte poétique est donné à entendre, c'est un texte fait pour l'écho. Si, en plus, ces échos sont de l'ordre du sentiment, alors, le poète n'a pas raté sa cible...