Irulaane ou la face artistique de Lauriane Renaud...

Irulaane ou la face artistique de Lauriane Renaud...
Toujours un peu perchée...

vendredi 4 janvier 2008

REQUIEM PATERN'ELLE

L vient de perdre quelqu'un... La vie est décidemment un conte cruel.


L n’a que rarement été touchée. Je veux dire directement et spontanément transpercée d’émotions au plus profond d’elle même. La plupart du temps, L se dédouble. L se voit de l’extérieur et commande à son visage, à sa voix, à ses gestes tout ce qu’elle croit devoir coller aux circonstances. Souvent, cela correspond assez bien à ce que les autres attendent et quelquefois non. Mais c’est rare.

Sauf cette fois. Cette fois, ça a été trop dure, trop rapide, trop inattendu.
Cette fois, L aurait vraiment aimé avoir eu le temps de réfléchir, de s'envoler.
Pas cette fois.
L est restée clouée au sol.
Sans ailes.

C’est maintenant qu’L revoit, qu’elle repense.

Ils ont poussé la porte tous les deux en se tenant la main. Ils avaient couru un peu depuis le portail. Lui, parce qu’il avait compris, déjà, ce que cette enfilade de voiture signifiait. L parce qu’elle le suivait. Parce qu’elle avait envie qu’il soit vite rassuré, qu’ils puissent rentrer rapidement dans leur vie confortable.

Ils ont poussé la porte tous les deux en se tenant la main.
Elle a vu des hommes, des femmes.
Il a vu des oncles, des tantes.

Puis ils ont vu sa mère qui s’est détachée du groupe et qui a juste fait non de la tête en disant quelque chose. L n’a pas compris quoi. Ou plutôt si, elle a compris, instinctivement, immédiatement. Lui aussi. Lui avant L. Il a hurlé. Il a crié des mots. Elle ne sait plus lesquels.
Pour la première fois de sa vie, L n’a pas analysé, pas réfléchi. Aucun dédoublement ne s’est produit. L a été dans l’instant pur.

Emotion fulgurante. Comme l’embolie qui vient d’emporter son père à lui.

L pleure. L se déchire. L voit cette femme en larmes et elle comprend à l’instant à quel point elle aime ces gens qui l’ont accueillie comme leur fille. A quel point cette famille est la sienne. L dit des bêtises, je crois. L dit qu’elle les aime. Mais c’est trop tard. Déjà, le pluriel s'est fait la belle.

Elle entend ses sanglots à lui, les sanglots inextinguibles d’un petit garçon qui pleure son père. Et son cœur est labouré de douleur. Sans recul, sans précautions, sans retenue.

Elle perçoit le silence autour d’eux.
Ils se serrent tous les trois au milieu de la pièce en pleurant. La mère, son fils et L. Cette inconnue à qu’ils ont ouvert les bras et qu’ils ont aimée comme l’une des leurs, qu’ils englobent maintenant dans leur chagrin avec la même générosité.

Le lendemain, quand elle verra la dépouille du père, c’est ça qu’L aura envie de lui dire. L est la seule présente qui n’est pas à proprement parler de la famille, alors, elle n’ose pas le faire. L’analyse a repris ses droits et la retenue est revenue. Elle croit qu’il serait mal venue d’exhiber son chagrin.

Pourtant, c’est ça qu’L aimerait lui dire : merci. Merci pour avoir vu plus en moi que l’aventurière, la femme adultère, pour ne vous être jamais arrêté aux apparences. Merci pour m’avoir aimée comme j’étais, pour n’avoir regardé chez moi que la personne et jamais la situation, la religion, la réputation. Merci d’avoir su transmettre à votre fils cette droiture et cette bonté qui furent vos valeurs. Vous êtes de cette race d’hommes rares qui méritent de s’appeler père.

Alors, elle le regarde, lui, ce grand jeune homme blond qui partage sa vie. Elle pense tout à coup qu’un jour, dans 20,30 ou 40 ans peut-être ce sera L qui sera à la place de la mère.
Et cette certitude là est insoutenable.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

...

Irulaane a dit…

???

Anonyme a dit…

Un bel hommage.
Douloureux.
Poignant.

Mes pensées avec toi.

Anonyme a dit…

merCi pour ce texte fort.

Anonyme a dit…

je viens de lire ton texte, l'émotion est remonté, elle n'était pas vraiment partie. (...) Je souffre pour eux, je sais ce que c'est de perdre un parent mais je sais ce que c'est que de vivre sans, mes larmes sont pour eux. Ton texte est magnifique, c'est un très bel hommage, mais pour n'avoir que trop "bien" vécue cette situation, ou le chagrin devient taboo, ne retiens pas ton chagrin (...). Peut être n'ai je pas bien saisi ton texte mais il me semble que L n'a pas fini son travail, L ne doit pas cacher son chagrin, L ne doit pas avoir peur de montrer à ce grand blond aux yeux bleus les larmes qu'elle cache.(...) Parce que ce "L" est à toi, il t'appartient.

Irulaane a dit…

Le texte étant en lien sur Myspace, je me suis permis de reproduire ici certains de vos coms myspaciens dont je vous remercie.

Certes le chagrin est quelque chose d'intime et les gens sont souvent démunis face à celui qui exprime sa douleur. Je crois que les mots ne sont pas très importants : la présence dont ils témoignent est suffisante.

Merci donc à tous ceux ou celles qui par voix publique ou privée se sont manifestés et m'ont ainsi fait me sentir moins seule.

Lalie.

Anonyme a dit…

quelle émotion de te lire. Les larmes me sont montées et ont coulé, pour avoir vécu la perte d'un parent il y a bien longtemps maintenant. N'ayez pas peur de laisser paraitre votre peine, de laisser couler les larmes car refouler fait trop de mal pendant trop longtemps. Je sais de quoi je parle. Bises à vous 2 et à lundi!!

Irulaane a dit…

Merci F pour tes petits commentaires toujours si opportuns.
Désolée d'avoir involontairement réactivé ton chagrin, mais comme tu le dis si bien, l'expression de celui-ci est finalement la meilleure chose que l'on puisse faire : pour soi, et aussi, pour celui qui est parti...
A demain donc,
L.

Anonyme a dit…

Bonjour Irulaane,
Lisa cherche à te joindre pour l'accordéon de "quelqu'un". On a pas de coordonnées, si tu peux appeler jeudi soir à 18h3O svp.

A+